DANGERS EN CASCADES, avec l’équation :
Mouettes + eaux usées = résistance aux superbactéries
L’antibiorésistance (ABR) constitue une préoccupation majeure en matière de santé publique, partagée par de nombreux acteurs de la santé humaine et animale à l’échelle mondiale. Les ministères de la santé, de l’agriculture et de l’environnement soulignent que l’utilisation généralisée des antibiotiques en médecine humaine et animale a permis de traiter des maladies bactériennes qui étaient autrefois difficiles, voire impossibles, à soigner. Cependant, les abus d’antibiotiques accroissent inévitablement les risques de sélection de bactéries résistantes, ayant un impact majeur sur la santé publique.
La menace insidieuse de l’antibiorésistance propagée par les oiseaux
Tout comme les virus, les gènes conférant aux bactéries une résistance aux antibiotiques se propagent aisément entre les espèces. Favorisée par l’utilisation massive de ces médicaments chez l’homme et le bétail, l’émergence de souches antibiorésistantes représente une menace sanitaire majeure. Les oiseaux, en particulier les mouettes attirées par les stations d’épuration et les décharges, jouent un rôle clé dans la dissémination de ces bactéries résistantes aux antimicrobiens (BMR). En Suède, des études pionnières ont permis d’évaluer la prévalence de ces BMR chez les mouettes à tête noire et de retracer leurs déplacements grâce à des balises de suivi. Ces travaux ont révélé que lorsque les excréments d’oiseaux contaminés souillent les réserves alimentaires ou les sources d’eau, les humains peuvent être exposés soit directement aux BMR, soit aux gènes de résistance susceptibles d’être transmis à d’autres microbes.
Mais ce n’est pas tout. Ces recherches ont également mis en lumière l’impact potentiel du changement climatique sur la propagation de l’antibiorésistance. Les inondations pourraient accélérer la dispersion des eaux usées ou du fumier chargés de BMR, tandis que les sécheresses pousseraient les oiseaux et autres animaux à se regrouper autour des points d’eau restants, favorisant ainsi le partage de ces microbes résistants. Identifier les sources ponctuelles de l’antibiorésistance et sa distribution dans l’environnement sera déterminant pour élaborer des stratégies d’atténuation efficaces. Selon les estimations récentes, pas moins de 1,27 million de personnes dans le monde seraient décédées en 2018 de complications liées à l’antibiorésistance. Les preuves directes apportées par les chercheurs suédois sur le rôle des oiseaux dans la propagation de ces gènes de résistance offrent une opportunité unique de quantifier les risques associés pour la santé publique.
Les scientifiques détectent les bactéries portant des gènes de résistance aux antimicrobiens (AMR/ATB) dans les excréments de mouettes
1. Collecte d’échantillons d’excréments de mouettes
Les chercheurs capturent des mouettes, comme les mouettes à tête noire, et prélèvent des échantillons de leurs excréments.
2. Extraction de l’ADN des échantillons
L’ADN total est extrait des échantillons d’excréments pour pouvoir détecter la présence de gènes AMR/ATB.
3. Techniques de détection des gènes AMR
Plusieurs techniques moléculaires sont utilisées pour détecter et identifier les gènes de résistance aux antibiotiques présents :
– PCR (réaction en chaîne par polymérase) ciblant des gènes AMR spécifiques.
– PCR multiplexe pour détecter plusieurs gènes simultanément
– Séquençage métagénomique de nouvelle génération pour détecter tous les gènes AMR présents.
4. Analyses bioinformatiques
Des pipelines bioinformatiques spécialisés comme « NanoAMR » permettent d’analyser les données de séquençage et d’identifier précisément les sous-types de gènes AMR détectés.
5. Corrélation avec les phénotypes de résistance
Les gènes AMR détectés sont corrélés avec les phénotypes de résistance aux antibiotiques observés chez les bactéries isolées (tests de sensibilité aux antibiotiques).
Cette approche combinant la collecte d’échantillons environnementaux, les techniques moléculaires et les analyses bio-informatiques permet ainsi de surveiller et quantifier la présence de gènes de résistance aux antibiotiques chez les bactéries véhiculées par les mouettes.
La présence de bactéries portant des gènes de résistance aux antimicrobiens (AMR/ATB) dans les excréments de mouettes présente plusieurs risques importants…
1 – Propagation de l’antibiorésistance aux humains
Lorsque les excréments de mouettes contaminés souillent les réserves alimentaires ou les sources d’eau, les humains peuvent être exposés soit directement aux bactéries résistantes, soit aux gènes AMR/ATB qui peuvent se transmettre à d’autres bactéries de la flore intestinale humaine.
2 – Dissémination environnementale des gènes AMR
Les mouettes, en se déplaçant, peuvent répandre largement dans l’environnement les bactéries multi-résistantes et les gènes AMR qu’elles transportent via leurs excréments.
3 – Impacts sur la santé publique
La propagation de l’antibiorésistance réduit l’efficacité des traitements antibiotiques et augmente les risques d’infections difficiles à traiter, engendrant une menace majeure pour la santé publique.
4 – Transfert aux écosystèmes
Les gènes AMR présents dans les déjections aviaires peuvent se transférer aux bactéries de l’environnement et des écosystèmes naturels, perturbant les équilibres microbiens.
5 – Impacts sur la production animale
La transmission de bactéries multi-résistantes aux animaux d’élevage par les mouettes peut compromettre l’efficacité des antibiotiques utilisés en médecine vétérinaire.
L’inquiétante dissémination de l’antibiorésistance par les mouettes
Des études menées par des scientifiques de renom et leurs collaborateurs ont mis en lumière un phénomène alarmant : la présence de gènes conférant une résistance aux antibiotiques de dernière ligne dans les excréments de mouettes. En Suède, les analyses réalisées sur des échantillons prélevés dans un parc et une station d’épuration voisine ont révélé que 8% d’entre eux contenaient des gènes codant pour des enzymes capables de désactiver les carbapénèmes, des antibiotiques critiques utilisés en dernier recours contre les infections bactériennes multirésistantes. Ces découvertes font écho à d’autres études publiées en 2021, qui ont démontré que les oiseaux peuvent transporter ces gènes de résistance à travers les continents.
En Alaska, pas moins de 16% des échantillons fécaux prélevés sur 773 mouettes fréquentant des décharges se sont avérés porteurs de tels gènes. Grâce au suivi par balises de 42 de ces oiseaux, les chercheurs ont pu retracer leurs déplacements jusqu’en Russie et en Californie. Face à ces constats inquiétants, il serait tentant de pointer du doigt les mouettes comme vectrices de cette menace sanitaire grandissante. Pourtant, la responsabilité incombe avant tout aux activités humaines qui ont favorisé l’émergence et la propagation de ces bactéries antibiorésistantes dans l’environnement. Il est désormais urgent de repenser nos méthodes et d’adopter des stratégies novatrices, comme l’amélioration du traitement des eaux usées, une meilleure gestion des décharges ou encore des mesures visant à éloigner les oiseaux des sources de contamination. Un défi de taille, qui sera exacerbé par les événements météorologiques extrêmes liés au réchauffement climatique, susceptibles de faciliter encore davantage la dissémination de l’antibiorésistance.
Des défis supplémentaires posés par le changement climatique !
On sait maintenant qu’ils représentent une menace sans précédent pour l’humanité et les écosystèmes de la planète. Les scientifiques prévoient une recrudescence alarmante des événements météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur intense, les sécheresses sévères, les inondations dévastatrices et les ouragans dévastateurs. Cette instabilité climatique compromet gravement la sécurité alimentaire mondiale, avec des rendements agricoles en berne sous les effets conjugués du stress thermique et hydrique, des perturbations des cycles de culture et de la dégradation des sols cultivables. Parallèlement, la hausse inexorable du niveau des mers menace de submerger les zones côtières basses, d’éroder les littoraux et de saliniser les nappes phréatiques.
Les écosystèmes naturels ne seront pas épargnés, avec la disparition probable d’habitats sensibles comme les récifs coralliens et l’extinction massive d’espèces végétales et animales, entraînant des pertes de biodiversité catastrophiques. Sur le plan sanitaire, le changement climatique favorisera la propagation de maladies infectieuses, exacerbera les problèmes de santé liés aux canicules et aggravera l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Enfin, ces bouleversements environnementaux pourraient provoquer des déplacements de populations sans précédent, avec des migrations environnementales massives et des conflits pour l’accès aux ressources naturelles. Face à ces multiples menaces existentielles, les scientifiques insistent sur l’urgence absolue d’agir pour limiter ces risques en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et en adaptant nos sociétés aux changements désormais inéluctables.
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